marion lenne

Députée de la XVème législature

PLF POUR 2020 – AMENDEMENT N°II-1312

Le 13 septembre 2018, le Président de la République a officiellement présenté la Stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, qui contient une mesure dite « cantine à 1 euro ». Le dispositif s’adresse exclusivement aux communes aujourd’hui bénéficiaires de la fraction « cible » de la dotation de solidarité rurale (DSR-C). Le mécanisme consiste, à compter du 1er avril 2019, à soutenir ces communes ou leur établissement lorsqu’ils mettent en place une tarification progressive (ou « sociale ») de la restauration scolaire avec au moins trois tranches dont la première doit être inférieure ou égale à 1 euro par repas facturé aux familles. L’aide de l’État s’élève alors à 2 euros par repas.

En effet, dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2019 relatif à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », il est mentionné que « 36 millions d’euros seront […] consacrés à des mesures d’investissement social en dehors du cadre contractuel évoqué précédemment » et que ceux-ci visent notamment à financer « la mise en place d’une tarification sociale des cantines » parmi sept objectifs (formation des travailleurs sociaux et professionnels de la petite enfance, petits déjeuners à l’école, subventions d’appui aux associations, etc.).

Ces 36 millions d’euros ont été intégrés dans une enveloppe globale de 171 millions d’euros en AE et en CP dont bénéficie le programme 304 action 19 « Stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté ». Au sein de cette action, des dépenses d’interventions ont été budgétées en 2019 à hauteur de 169 millions en AE et en CP, en vue de transferts aux collectivités territoriales et autres collectivités. Dans le présent projet de loi de finances pour 2020, ce sont 213 millions d’euros en AE et en CP transférés aux collectivités territoriales et autres collectivités, pour la mise en œuvre de la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Dans un document daté du 26 juin 2019 intitulé « aide de l’État à la mise en place d’une tarification sociale des cantines – foire aux questions », la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté précise : « Le Gouvernement a […] décidé de mettre en place un soutien financier pour aider des communes et EPCI à mettre en place une tarification sociale de la restauration scolaire, qui se traduit par le versement de subventions dans certaines conditions. Il n’y a pas de texte réglementaire (décret ou arrêté), éventuellement pris en application d’une disposition législative, qui encadre les modalités de versement de cette aide, comme ce peut être le cas pour d’autres aides (aux collectivités, aux employeurs, aux salariés). En l’espèce, il s’agit d’une décision d’attribution d’une aide, prise librement par la ministre sur ses crédits d’intervention votés en loi de finances. C’est un dispositif qui ne crée pas d’obligation pour les communes, ni pour l’État, qui décide de façon discrétionnaire des conditions de versement de cette subvention. La décision du Gouvernement de mettre en place une telle aide selon certaines conditions est formalisée dans le courrier envoyé le 15 avril dernier [2019] aux communes et EPCI éligibles. »

Ainsi, le Gouvernement évalue « librement » l’attribution des subventions aux communes ou EPCI dans « un dispositif qui ne crée pas d’obligation […] pour l’État ». De plus, le document précise qu’ « il n’y a pas de texte réglementaire (décret ou arrêté) » qui encadre le dispositif et suggère qu’il s’agit ici d’une exception puisque les aides de l’État sont généralement susceptibles d’être encadrées.

En conséquence cette demande de rapport, légitime, vise à ce que le Gouvernement informe 21 mois après la mise en place du dispositif, le Parlement quant au fléchage de ces crédits, à leur montant, à leur impact sur la fréquentation des élèves à la cantine ainsi que sur la tarification des repas.

Le rapport devra notamment s’assurer que le dispositif n’a pas mécaniquement entraîné une hausse de la tarification de la première tranche. Nombre de communes, avant la mise en place du dispositif, offraient déjà une première tranche souvent inférieure à 1 euro, certaines villes pratiquant même la gratuité des repas scolaires pour les enfants « pauvres », généralement en décidant que le tarif appliqué à la première tranche du barème progressif est nul, ou encore en invitant le ou les parents à entrer en relation avec le centre communal d’action sociale (CCAS) dans ce même but de gratuité.

Depuis plus de dix ans, le taux de pauvreté des enfants en France a augmenté : 16 {c81c22191c6e271863606c6d6ddf4fef783a19e301a41d64a8213c6ef8696076} en 2005, 17,7 {c81c22191c6e271863606c6d6ddf4fef783a19e301a41d64a8213c6ef8696076} en 2009, 19,6 {c81c22191c6e271863606c6d6ddf4fef783a19e301a41d64a8213c6ef8696076} en 2010 et près de 20 {c81c22191c6e271863606c6d6ddf4fef783a19e301a41d64a8213c6ef8696076} aujourd’hui. Selon une étude de l’INSEE parue en septembre 2017, notre pays comptait, en 2016, 3 millions d’enfants se trouvant dans une famille vivant sous le seuil de pauvreté, soit près de 20 {c81c22191c6e271863606c6d6ddf4fef783a19e301a41d64a8213c6ef8696076} de la population des moins de 18 ans. Un enfant sur cinq est donc un enfant pauvre. Et un sur deux dans les territoires relevant de la politique de la ville.

Pour ces enfants très démunis, le seul vrai repas de la journée est souvent le repas pris à la cantine scolaire. La politique de tarification de la restauration scolaire se doit donc d’être assortie d’une exigence de transparence et d’efficience.

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