marion lenne

Députée de la XVème législature

Podcast #42 – Encadrer le droit à manifester

Retrouvez la transcription du texte ci-dessous:

« Pour ce 42ème podcast, je réponds à Mme HEMPEL-LORY qui m’interpelle au sujet des casseurs qui profite du mouvement des GJ pour sévir, et de fait, sur l’encadrement du droit à manifester que souhaite mettre en place le Premier Ministre, Edouard Philippe, suite à ces débordements.
Permettez-moi de définir le droit de manifester : La manifestation est une réunion organisée dans un lieu public ou sur la voie publique pour exprimer une conviction collective. Elle peut être fixe (sit-in) ou prendre la forme d’un cortège. Il s’agit d’un moyen de pression à l’égard des politiques.

Elle peut être organisée :
• par des syndicats pour défendre la cause des travailleurs ;
• par un groupe minoritaire pour la reconnaissance et la défense de ses droits;
• en soutien à une cause générale.

Rappelons-le, la liberté de manifester n’est pas inscrite dans la Constitution. Ce droit est garanti symboliquement par son inscription dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. L’article 10 souligne : «Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi.» Il est aussi implicitement garanti par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui porte sur la Liberté de pensée, de conscience et de religion

1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Par ailleurs, selon une décision du Conseil constitutionnel du 18 janvier 1995, le droit de manifester se rattache au « droit d’expression collective des idées et des opinions ».

Enfin, il est cité à l’article 11 de la convention Européenne des Droits de l’Homme, que: « Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association ».

Si ce droit est inscrit dans les esprits de chacun, il est cependant encadré par le Code Pénal :
Depuis un décret loi du 23 octobre 1935, le droit de manifester est subordonné à une déclaration préalable. Ce décret loi a été abrogé par l’ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012, mais ses dispositions ont été reprises dans le Code de la sécurité intérieure.

Procédure

La déclaration est adressée à la préfecture ou à la mairie dans les communes ou la police n’est pas étatisée (article 211-1 du Code de la sécurité intérieure). Si la déclaration est faite auprès du maire, celui-ci a 24 heures pour en informer le Préfet.
Il y a lieu de déclarer la manifestation auprès de toutes les communes qui seront traversées par le cortège.
La déclaration, déposée entre 15 et 3 jours avant la manifestation, indique : les noms, prénoms et domiciles des organisateurs, la date, l’heure, le lieu et l’itinéraire de la manifestation et son objectif. Elle est signée par au moins trois organisateurs (domiciliés dans le département). Au moment du dépôt de la déclaration, un récépissé (visa) est remis, qui ne vaut pas autorisation.
C’est la Direction de l’Ordre Public et de la Circulation qui analyse la déclaration et évalue au cas par cas les dangers par rapport au contexte général, à l’itinéraire, aux manifestations précédentes sur la même problématique, etc.

Il s’agit de faire coïncider deux intérêts fondamentaux : le droit de manifester d’une part, et la sécurité des personnes et des biens d’autre part.
Si l’autorité investie des pouvoirs de police estime que la manifestation peut porter un trouble particulièrement grave à l’ordre public et qu’il n’existe pas d’autre moyen efficace (notamment aucun dispositif policier) pour maintenir l’ordre public, elle interdit la manifestation par arrêté motivé.
Remarque : si l’interdiction est prononcée par le maire, l’arrêté doit être transmis dans les 24 heures au préfet. Le préfet peut saisir le tribunal administratif pour faire annuler l’arrêté. À l’inverse, le préfet peut se substituer au maire pour interdire une manifestation.
L’arrêté d’interdiction est notifié aux organisateurs qui disposent d’un recours en légalité devant le tribunal administratif. Ce dernier vérifiera la proportionnalité entre l’interdiction et les troubles redoutés. Sans aller jusqu’à l’interdiction, l’autorité peut modifier l’itinéraire et/ou interdire certaines banderoles.
Une manifestation interdite, si elle entraîne un trouble à l’ordre public, peut être considérée comme un attroupement et faire l’objet de dispersions.
Aucun texte fondamental n’a consacré le droit de manifester. Le code pénal (article 431-1) réprime toutefois depuis 1994, les personnes se livrant à des actes tendant à entraver de manière concertée, à l’aide de menaces, une manifestation. C’est tout de même le signe de la reconnaissance de la liberté de manifester

Les GJ manifestent depuis bientôt 3 mois, et en marge, des casseurs profitent du mouvement pour détruire l’espace urbain. Le Premier Ministre Edouard Philippe, lors du JT de TFI du 7 janvier dernier, a présenté des réponses face aux débordements. Le message est clair : faire prévaloir l’ordre républicain et protéger le droit de manifester contre ceux qui ne veulent pas manifester mais détruire. Dès samedi 11, un dispositif de très grande ampleur sera mis en place : environ 80 000 policiers et gendarmes seront mobilisés sur le territoire national, dont 5 000 à Paris.

Le Premier ministre a demandé au ministre de l’Intérieur de proposer un plan de modernisation de nos outils de maintien de l’ordre d’ici fin janvier. Cela signifie notamment investir dans du nouveau matériel et s’adapter pour être plus mobile, qui pourront s’inscrire dans la loi de programmation.

Le droit de manifester va être complété. Tout d’abord, les manifestations non déclarées seront sévèrement punies. Ensuite, un nouveau délit sera créé concernant les manifestants cagoulés : Arriver cagoulé à une manifestation, c’est aujourd’hui une contravention. Demain, ce doit être un délit . La responsabilité civile des casseurs sera renforcée, sur le principe du casseur-payeur. Enfin, sur le même modèle qui interdit l’accès au stade aux hooligans, depuis 2007, un fichier sera créé, interdisant l’accès aux manifestations aux personnes qui y seront répertoriées.

Cette adaptation du cadre législatif se fera rapidement, sans être dans la précipitation, le ministère de l’Intérieur y travaillant depuis plusieurs mois. Dès samedi, l’adaptation du dispositif du maintien de l’ordre sera appliquée. »

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